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2.9.4 L'irrigation est-elle un besoin ? Quels sont les critères à prendre en compte ?

Quel est le climat ?

Une contrainte hydrique modérée (à partir de la véraison) est un indicateur climatique de la qualité des raisins. En effet, un déficit hydrique va réguler naturellement la vigne sur plusieurs paramètres physiologiques comme la vigueur et le chargement en sucres. Pour la vigne, cela correspond à une période où la demande climatique journalière, appelée « évapotranspiration potentielle » devient supérieure à la quantité d’eau pouvant être extraite du sol par les racines. Cette contrainte hydrique dépend de la température, des radiations solaires, de l’humidité relative ainsi que de la pluviométrie. Elle pourra aussi être impactée par d’autres facteurs tels que le type de sol, le cépage, l’altitude (la température de l’air décroit généralement d’1°C pour une élévation de 150m) ou encore la topographie ….

En viticulture donc, l’irrigation est développée essentiellement dans les zones semi-arides où elle est vraiment indispensable, c’est-à-dire, lorsque la contrainte hydrique est trop forte et risque d’altérer la qualité des raisins et donc des vins sur le court terme et la pérennité du vignoble sur le long terme. On considère que c’est le cas lorsque la pluviométrie est inférieure à 350 mm/an. L’irrigation peut aussi être mise en place lorsque la pluviométrie annuelle est élevée, par exemple 900mm/an mais qu’elle se concentre uniquement sur la période hivernale, c’est le cas à Eisele Vineyard en Californie, où il tombe moins de 100 mm entre les mois d’avril et de septembre mais 600 sur le reste du millésime. Lorsque les réserves utiles en eau du sol sont insuffisantes de manière régulière à travers les années, un système permettant une recharge rapide des ressources en eau peut être nécessaire.

La disponibilité en eau pour la plante ne constitue pas le seul critère de qualité, l’amplitude thermique, c’est-à-dire, l’écart de température entre le jour et la nuit, joue le rôle de second indicateur climatique de qualité sur les raisins. Ces deux critères doivent être réunis afin d’exprimer au mieux le potentiel qualitatif de la vigne, qui devra encore être garanti par des itinéraires techniques judicieux, à la vigne comme au chai. L’irrigation ne permet pas, à elle seule, de résoudre tous les problèmes d’ordre climatiques.

Quel est le type de sol ?

La contrainte hydrique subit par la vigne dépend de la pluviométrie mais aussi du type de sol. En effet, la capacité de rétention en eau d’un sol est conditionnée par sa structure et sa texture mais aussi sa profondeur ainsi que sa composition.

A titre d’exemple, un sol profond (>1m) permettra une plus grande capacité d’accueil de l’eau qu’un sol dit superficiel dont la profondeur n’excède généralement pas 40 à 60 cm. Cela ne signifie pas qu’un sol profond constituera forcément un réservoir d’eau supérieur à un sol superficiel, puisque cela dépendra aussi de la texture du sol et de sa composition, mais il en aura davantage la capacité. Concernant la texture cette fois, un sol riche en argiles retiendra davantage l’eau et ne nécessitera pas ou peu d’irrigation. Dans le cas où un système d’irrigation est nécessaire sur ce type de sol, les apports devraient être moins réguliers et plus conséquents, de l’ordre de 15 à 20 mm. A l’inverse, un sol riche en sables aura une capacité filtrante plus grande, les apports devraient être plus réguliers et plus légers, de l’ordre de 5 mm.

Quelle est la profondeur d'enracinement ?

Une contrainte hydrique va dépendre d’une part, de l’interaction entre la réserve utile du sol facilement exploitable par les racines appelé prospection racinaire, du volume et de la profondeur d’enracinement ainsi que du type de racines (racine principales ou pivot et racines secondaires).

Plus la prospection racinaire est importante et développée, plus la capacité de contact des racines avec le sol ainsi que la capacité de rétention en eau sont grandes.
Le volume et la profondeur d’enracinement ont un effet sur la croissance végétative et la consommation en eau de la plante. Plus la profondeur d’enracinement est grande, plus l’évapotranspiration est importante. Le volume et la profondeur des racines peuvent dépendre :

  • De la profondeur naturelle du sol et sa réserve utile en eau
  • Des itinéraires techniques culturaux, notamment le passage répété des tracteurs, qui peut affecter la macroporosité du sol et créer un horizon compact non franchissable par les racines.

D’une manière générale, une irrigation peut être nécessaire sur des enracinements de 40 à 80 cm lorsque la pluviométrie ne permet pas de recharger les réserves en eau du sol au cours du cycle végétatif de la vigne. Lorsque l’enracinement est plus dense et/ou plus développé et compris entre 80 et 120 cm, l’irrigation n’est pas forcément nécessaire, et ce, même lorsque la contrainte hydrique est présente. Une bonne prospection racinaire permet un meilleur accès à l’eau en profondeur. Quel que soit le cas de figure, il est important de prendre en compte le type de sol. A titre d’exemple, une vigne sur sol sableux peut nécessiter une irrigation, même lorsque l’enracinement dépasse 120 cm.

Evapotranspiration mensuelle au cours d'une année (Hémisphère Sud) en fonction de la profondeur d'enracinement (Myburgh et al., 1996)

Quel est le cépage ?

En réponse à un dessèchement du sol, la vigne subit une forte baisse de son potentiel hydrique au niveau des feuilles. Mais chaque cépage possède ses propres caractéristiques physiologiques, et certains d’entre eux ont une plus forte sensibilité stomatique et résistent mieux à la sècheresse que d’autres.

C’est le cas, par exemple, du Cabernet Sauvignon ou de la grenache aussi appelés cépages iso-hydriques, qui ont un comportement « pessimiste » face à une contrainte hydrique et ferment leurs stomates. Ce qui limite l’évapotranspiration mais impacte négativement la photosynthèse et l’accumulation des sucres. A l’inverse, les cépages dits aniso-hydriques ou « optimistes », tels que la Syrah ou le Chardonnay maintiennent leur croissance en conditions de déficit hydrique, l’accumulation de sucres continue, parfois au détriment de la plante qui perd son avantage lorsqu’une déshydratation poussée du sol entraîne des dégâts irréversibles.

Enfin, il existe des cépages très précoces et d’autres plutôt tardifs. Le caractère de précocité d’un cépage peut être définit par la quantité de chaleur qui lui est nécessaire pour atteindre sa maturité. On parle alors de « degré jour de croissance » : il s’agit de la durée nécessaire au développement ainsi qu’à la croissance de la plante en prenant compte de la température. Une classification établie par Van Leeuwen et al., (2008) répertorie l’ensemble des cépages selon leur degré jour de croissance. Cette classification peut être utilisée afin d’adapter au mieux le choix du matériel végétal aux changements climatiques ainsi qu’aux modes de production dont la gestion de l’irrigation.

Le contexte environnemental, politique et social

Le choix d’un système d’irrigation doit, idéalement tenir compte du mode d’approvisionnement et de la disponibilité en eau. Certains pays sont de plus en plus confrontés à la raréfaction de l’eau. Concernant le contexte environnemental actuel, le système de goutte-à-goutte semble le plus efficient et le plus économe de tous, quelle que soit la situation. Actuellement, il existe en France, des associations telles que l’AIRMF (Association des Irrigants des Régions Méditerranéennes Françaises) destinées à promouvoir, valoriser et préserver les conditions de mise en œuvre de l’irrigation pour les cultures, de la vigne notamment.

Le coût d'installation et d'usage

Le coût de l’installation d’un système d’irrigation ainsi que le coût de son usage doivent être pris en compte. Un système enterré est plus couteux par exemple, qu’un système attaché en hauteur. Certains systèmes sont aussi plus gourmands en eau et le coût d’usage sera alors plus élevé.

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