Les autres chapitres avaient pour vocation de présenter les pratiques potentielles et le meilleur moment pour les pratiquer. Le chapitre se concentre sur le raisonnement sur une cuve donnée.
4.1.5.f Comment raisonner l'extraction ?
Quel profil de vin final est souhaité ?
Le profil souhaité est déterminant dans les différentes étapes de la vinification. Il détermine si le vinificateur va orienter le vin vers un vin de garde ou un vin à boire plus jeune par exemple. De même, sur le profil aromatique, un choix judicieux de date de vendange et de température de fermentation permette d’amener le vin dans la direction souhaité.
Quelles sont les possibilités de la cuverie en termes d'extraction ?
Le remontage est probablement la technique universelle puisqu’il suffit de peu de matériel.
Le pigeage dépend de la taille de la cuve mais sur de petits formats il est très facile à mettre en place. Sur une grosse cuve un équipement spécifique est recommandé.
Le délestage demande de l’espace en cuverie, ce qui n’est pas toujours évident.
L’infusion nécessite un système spécifique il est donc à penser en amont, dans la conception de la cuverie.
Lorsque l’on détermine ces possibilités théoriques en termes d’extractions, il faut ensuite étudier la matière première que l’on a à disposition. Un grand vin ne se fait qu’avec un grand raisin.
Comment est la matière première ?
Il faut étudier correctement sa vendange pour savoir ce qui est le plus adapté ou non. Pour cela il faut établir un profil tannique, aromatique et technologique en passant par les analyses du contrôle maturité, la dégustation des baies, l’état sanitaire, l’origine du raisin, le cépage…
Quel est l’état des pellicules et des pépins ?
Il faut également prendre en compte ce qu’il s’est passé sur le millésime. Par exemple, en cas d’année chaude avec un fort ensoleillement, les pellicules peuvent être très épaisses.
Le profil des pellicules est très important et va jouer énormément sur la cinétique d’extraction.
Des pellicules difficilement dilacérables et/ou épaisses à la dégustation vont être plus compliquées à exploiter en vinification. Il est donc important d’avoir cette information en entrée de vendange pour s’adapter. Fort heureusement, il existe différents leviers pour pallier à ce problème.
Premièrement la température, qui permet une extraction plus aisée des composés en fragilisant les parois. Il suffit par exemple de chauffer à 28°C à partir de la première chute de points et jusqu’à une perte de 25 points de densité pour extraire correctement anthocyanes et tanins pelliculaires. Les remontages fractionnés ont toute leur importance dans ce genre de cas.
Plusieurs essais ont confirmé que le fractionné était significatif sur des pellicules plus difficilement extractibles car le jus régulièrement renouvelé permet d’avoir un gradient de concentration optimale d’où une extraction plus facile. Le fractionné est moins significatif en termes d’extraction si la peau est à maturité optimale puisque l’extraction est déjà facile.
Sur des millésimes plus compliqués (maturité difficile, présence de botrytis…) il faut être vigilant et ne pas chercher la surextraction. La maturité des pépins est un élément à bien appréhender. Une sous maturité couplée à une extraction forte risque de conduire à l’apparition de composés durs, amers et végétaux.
Cas particulier de la vinification en grappe entière
La vinification en grappe entière consiste à vinifier une cuve avec tout ou partie de la rafle. Cette pratique connaît un engouement certain en Bourgogne.
Les rafles ont pour propriété d’amener plus de fraîcheur aromatique, au vin, de baisser une peu l’acidité et d’augmenter la structure tannique. Elles ont aussi un effet éponge sur les anthocyanes et en absorbe une partie de même qu’une fraction de l’alcool. Pour une cuve à 90% de vendange entière, un écart de 0,5%vol. a pu être observé sur Pinot Noir.
Lors d’une vinification en grappe entière, le pigeage permet d’extraire le jus des baies intactes qui sont nombreuses. C’est donc un bon levier d’extraction. Les remontages viendront ensuite lorsqu’y aura un peu plus de jus.
Pour pratiquer cette technique, il y a quelques points de vigilances :
- Nettoyer les grappes correctement par passage sur la ligne de tri en supprimant l’érafloir
- S’assurer de la bonne maturité des rafles au risque de développer des notes trop végétales. Lorsque les rafles commencent à ce lignifier, leur maturité est plus avancée.
- Accorder une vigilance accrue aux déviations microbiologique à la mise en cuve lorsqu’il y a beaucoup de vendange entière. Il y a en effet peu de jus et le départ en FA peut s’avérer long.
- Les vins de presses issus de ce genre de cuve sont souvent encore très riches en sucre, il faut donc être vigilant sur la fin de fermentation de ces dernières.